INTRODUCTION
Les lois sur la sécurité s’enchaînent avec régularité et constance depuis bientôt dix ans. Chaque ministre cherche à trouver LA solution aux maux du moment, qu’il s’agisse du terrorisme, des agressions policières ou des manifestations incontrôlées. En toile de fond se pose également la question de l’architecture d’ensemble de la sécurité en France, évoquée récemment avec le concept de « continuum de la sécurité ». La puissance publique s’interrogeait à nouveau sur les modalités d’intégration de l’entrepreneuriat privé dans l’accomplissement de missions de sécurité, par essence régaliennes.
La loi dite de « sécurité globale »(1), entrée en vigueur en avril dernier, crée de nouveaux équilibres entre la sphère privée et publique, et plus généralement entre deux valeurs en apparente opposition : la sécurité d’un côté, la liberté de l’autre.
Il n’est, à ce titre, pas anodin de constater que la cristallisation du débat autour de cette loi s’est focalisée sur le fameux article 24 qui sanctionnait pénalement les individus filmant les membres des forces de l’ordre en exercice. Ce texte a d’ailleurs fait l’objet de nombreuses discussions et réécritures pour finalement être retoqué par le Conseil constitutionnel.
Pour la sécurité privée, il s’agissait d’une nouvelle occasion d’augmenter sa zone d’influence, de prouver sa crédibilité et sa responsabilité auprès des décideurs comme du grand public tout en corrigeant certaines impasses, tant légales qu’économiques. En somme, de grands espoirs étaient convoqués, et les acteurs du secteur, syndicats en tête, n’ont pas manqué de les relayer. Le résultat, s’il inclut certaines avancées bienvenues, laisse néanmoins une certaine impression d’inachevé, notamment en ce qui concerne les propositions initialement formulées par le rapport Fauvergue-Thourot(2).
Revenons sur les principales mesures de la sécurité privée : pour les clients, les entreprises et les salariés.
DONNEURS D’ORDRES : VERS UNE RESPONSABILISATION ACCRUE ET DES OPPORTUNITÉS NOUVELLES
Les donneurs d’ordres, qu’ils soient publics ou privés, font face à une offre pléthorique aux variations tarifaires parfois aberrantes. Certaines sociétés n’hésitent pas à pratiquer des prix bas pour obtenir des marchés avant de les sous-traiter à d’autres qui font de même dans une triste chaîne destinée à se dégager une marge. Pour finir, le client se retrouve comme arrimé au dernier maillon de cette chaîne, confronté à des agents précarisés effectuant une prestation au rabais.
Malgré cette situation de fait qui pénalise l’ensemble des parties prenantes et nivelle les prestations vers le bas, la loi a adopté une logique d’entre-deux en maintenant une sous-traitance sur deux rangs. En pratique, cela signifie que jusqu’à trois prestataires pourront intervenir pour assurer la même mission de gardiennage ou de contrôle d’accès, ce qui ne supprimera aucunement les manœuvres de dumping social de certains acteurs.
Dans une perspective plus positive cette fois, la loi autorise la mise en place de nouvelles missions pouvant être confiées à des agents de sécurité et, par conséquent, pouvant être proposées aux donneurs d’ordres. Il s’agit dans un premier lieu du repérage à distance de drones. Ces missions pourraient s’avérer très utiles dans les années à venir, tant la menace de nuisances, voire d’attaques par drones, suscite un consensus au sein des services de l’État.(3)
Dans le cadre d’une lutte toujours plus poussée contre le terrorisme, la loi a également ouvert la voie aux agents cynophiles spécialisés dans la détection d’explosifs.
Dans la poursuite d’un objectif similaire, le préfet pourra désormais autoriser plus largement le recours aux agents de sécurité sur la voie publique, aux abords immédiats de sites privés, dès lors que le donneur d’ordres justifie d’une nécessité de surveillance contre les actes terroristes.
Ainsi, l’extension des activités dévolues à la sécurité privée et la légère rationalisation de la relation donneur d’ordres-prestataire marquent d’une pierre blanche le chemin d’une collaboration où l’expertise et la qualité doivent s’imposer comme des indicateurs systémiques des rapports commerciaux.
LES ENTREPRISES DE SÉCURITÉ : ENTRE PRESSION CONCURRENTIELLE ET CONTRÔLE ADMINISTRATIF
Le CNAPS, organisme de régulation et de contrôle du secteur de la sécurité privée, se renforce. Ses fonctionnaires sont désormais assermentés, ce qui leur permettra de délivrer directement des procès-verbaux en cas d’infraction au Code de sécurité intérieure. Le CNAPS est également autorisé à publier sur son site les sanctions pécuniaires infligées aux entreprises comme aux agents dans une optique de « name and shame »(4) à l’anglo-saxonne. Si la menace sur la réputation comme moyen d’encourager les pratiques vertueuses a été adoptée, il est dommage que la lutte contre certaines pratiques économiques délétères se soit perdue dans la navette parlementaire.
Tel est le cas de la proposition de mise en place d’une garantie financière. Il s’agissait d’imposer aux entreprises la création d’une réserve destinée à assurer, en cas de cessation de paiement, le versement de l’ensemble des cotisations sociales. Cette garantie visait à lutter contre les manœuvres de sociétés de sécurité privées qui cassent les prix, puis organisent leur insolvabilité. Parfois même, leurs dirigeants recréent dans la foulée une nouvelle entreprise comme si de rien n’était. Preuve de son utilité évidente, à peine retirée de la loi sécurité globale, elle réapparaît dans la proposition n° 8 du dernier rapport parlementaire consacré exclusivement à notre secteur d’activité.(5)
En somme, l’encadrement administratif plus strict n’est malheureusement pas assorti d’une amélioration des conditions de lutte contre les pratiques économiques effectuées par une minorité d’acteurs aux méthodes prédatrices. Le constat est d’autant plus prégnant que le GES, comme de nombreux experts, avait donné à plusieurs reprises ses préconisations auprès de nos dirigeants.(6)(7)
EXIGENCES RENFORCÉES POUR LES AGENTS
La mise en place du continuum se heurte bien fréquemment aux arguments mêlant crainte et déconsidération des compétences des agents et des formations jugées encore trop faibles. La formation a été peu touchée par la loi, qui ne propose qu’un simple ajout de l’enseignement des « principes de la République » à la formation initiale des agents de sécurité. Il s’agit là d’une mesure qui va dans la lignée des programmes d’enseignement moral et civique déjà mis en place au sein de l’Éducation nationale en 2015 et qui a été réaffirmée dans le Plan de lutte contre la radicalisation en 2018.(8) La loi réclame également aux formateurs de n’avoir pas fait l’objet d’un retrait de carte professionnelle ou d’une interdiction temporaire d’exercer (ITE). Il aura donc fallu près de quinze ans pour imposer aux formateurs les mêmes conditions de moralité que celles requises pour être agent. Impressionnant…
En matière d’exigences nouvelles, signalons le durcissement des sanctions pouvant être infligées à un agent. Une ITE peut ainsi aller jusqu’à sept ans, contre cinq actuellement, et les amendes peuvent atteindre 7 500 euros. Par ailleurs, les salariés étrangers devront désormais justifier d’un titre de séjour d’au moins cinq ans et apporter la preuve d’une connaissance suffisante de la langue.
La loi prévoit également la mise en place d’une identification commune aux agents qui se matérialisera par leurs tenues. Distinguer la sécurité privée des forces de l’ordre reste encore et toujours un leitmotiv du législateur.
Enfin, dans un effort de reconnaissance de la spécificité du métier et des risques encourus, la loi déclare le caractère pénalement aggravant de toute agression physique ou verbale commise contre un agent de sécurité, au même titre qu’un policier, un juge ou un enseignant.
Exigences et sanctions demeurent ainsi les maîtres mots d’une loi n’accordant encore à la sécurité privée qu’un rôle subalterne.
CONCLUSION
La loi est désormais pleinement entrée en vigueur. Elle comporte son lot d’avancées signifiantes, bien que timides pour notre secteur, et poursuit la nécessaire régulation de l’activité par un renforcement des pouvoirs du CNAPS. L’absence de garantie financière apparaît comme une occasion manquée d’assainir notre branche en coupant ses pousses les plus malsaines.
La reculade que le texte effectue sur l’inclusion de la sécurité incendie, les activités liées à la conception, l’installation et la maintenance de dispositifs de sécurité électronique dans le champ du CSI est tout aussi dommageable.
À ce jour, un agent de sécurité incendie peut toujours exercer au sein d’OIV ou d’IGH abritant des données qui peuvent concerner la défense et les intérêts de la nation sans qu’aucun contrôle de moralité ne soit nécessaire. À une époque où le terrorisme représente une menace élevée, un tel laisser-faire traduit les profonds tiraillements qui agitent le législateur pour tout ce qui touche à la sécurité et à son continuum.
Chez SGP, nous avions anticipé plusieurs des mesures de cette loi.
C’est à ce titre que notre groupe a fait très tôt le choix de ne sous-traiter aucune des prestations centrales de son activité afin de maintenir une qualité de service au centre des préoccupations de ses clients. En effet, la gestion efficiente des risques nous semble incompatible avec le concept de sous-traitance.
C’est également dans cette optique que notre centre de formation propose d’ores et déjà une sensibilisation aux principes de la République, tant en matière des piliers fondateurs de notre démocratie que de la lutte contre les discriminations. De plus, il est à la pointe quant à l’usage des drones, qu’il incorpore à son catalogue de formations, premier pas vers une intégration complète de ce nouvel outil sur lequel il faudra compter à l’avenir.
Nous accueillons donc les changements opérés avec pragmatisme et continuons à œuvrer sur une professionnalisation toujours plus accrue en mettant notre expertise au service de nos clients et en plaçant l’humain au cœur de notre vision.