L’ambition de la loi du 5 septembre 2018 relative à la formation professionnelle, dite « loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel » est d’offrir de nouvelles possibilités de formation tout au long de la vie et de la carrière professionnelle. Elle donne un nouvel horizon et de nouvelles perspectives aux jeunes, aux salariés et aux chercheurs d’emploi pour qu’ils puissent acquérir les compétences dont les entreprises et tous les organismes publics ou privés ont besoin afin de répondre aux défis des évolutions sociétales et de la compétition internationale.
Il s’agit de s’adapter aux évolutions des besoins, des savoirs et des techniques qui évoluent rapidement et qui bouleversent les modes de fonctionnement et de production de toutes les organisations.
La formation par alternance
L’alternance est érigée comme un modèle pour la formation professionnelle initiale des jeunes.
Elle permet à ceux qui suivent une formation initiale d’alterner entre des périodes de formation en milieu professionnel et en centre de formation. Jugée très performante, « elle est un moyen efficace pour aider les jeunes à effectuer une transition harmonieuse entre l’école et l’emploi et de remédier aux déséquilibres du marché du travail », selon le CEDEFOP (Centre européen pour le développement de la formation professionnelle). L’insertion professionnelle est facilitée et accélérée (moins de sept mois en moyenne, tous diplômes confondus). Des pays comme l’Allemagne, la Suisse ou le Danemark en ont fait la marque de fabrique de leurs professionnels.
L’apprentissage
S’agissant de la formation par apprentissage, la loi a permis d’ouvrir cette modalité de formation à partir de l’âge de quinze ans (si la scolarité du premier cycle du secondaire est accomplie) et jusqu’à vingt-neuf ans révolus (vingt-cinq ans auparavant), et au-delà sous conditions particulières (création d’entreprise, sportif de haut niveau…).
La durée de la formation peut désormais être réduite à six mois (pour tenir compte du niveau initial de l’apprenti) et se dérouler sur trois années. La durée de la formation théorique en CFA ne peut être inférieure à 25 % du temps de formation. Le niveau des rémunérations a été restructuré et permet notamment aux jeunes de vingt-six ans d’obtenir 100 % du SMIC.
Les entreprises de moins de deux cent cinquante salariés perçoivent des aides substantielles de cinq mille euros pour les mineurs et de huit mille euros pour un apprenti majeur la première année (jusqu’en décembre 2022 pour les contrats conclus en 2021).
Le statut de stagiaire de la formation continue (indemnisation, couverture sociale et couverture assurance) est attribué aux jeunes en recherche de contrat pendant six mois.
La création des CFA qui a été assouplie ne dépend plus des conseils régionaux qui gèrent désormais l’information et l’orientation. De nouveaux acteurs, organismes de formations, entreprises, etc. peuvent à présent développer leur propre CFA.
L’autorisation de le faire est donnée par les DRIEETS (Direction régionale et interdépartementale de l’économie, de l’emploi, du travail et de la solidarité).Bien sûr, des modalités de fonctionnement rigoureuses sont définies par la loi et le Code du travail.
La gouvernance et le financement des CFA ont profondément changé :
- Les onze OPCO (opérateurs de compétences) représentent les branches professionnelles qui sont, depuis la loi, aux manettes de l’apprentissage. Ils ont remplacé les OPCA (organismes paritaires collecteurs agréés) et sont placés sous l’instance nationale de régulation et de financement de la formation professionnelle et de l’apprentissage qu’est France Compétences, dont la gouvernance est tripartite (État, régions et organisations syndicales) ;
- Pour l’apprentissage, le système de financement de la formation professionnelle et des CFA a été bouleversé :
- les régions n’ont plus le rôle primordial qu’elles avaient auparavant dans le financement et le contrôle de la gestion des CFA. Elles gardent cependant un rôle complémentaire dans leurs financements, par exemple, en payant des surcoûts-contrats… qui permettent, selon certains critères, de pallier des insuffisances de crédits ;
- la perception de la taxe d’apprentissage auprès des entreprises, après avoir été initiée par France Compétences, sera réalisée par l’URSSAF ;
- les taux de perceptions, auprès des entreprises, pour le financement de l’apprentissage sont précisés au chapitre VII. Ils sont composés de la contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance pour les entreprises assujetties, et de la contribution supplémentaire à l’apprentissage pour les entreprises de plus de deux cent cinquante salariés ne respectant pas le seuil de 5 % de leurs effectifs en alternance.
Les cotisations seront prélevées auprès des sociétés au début de l’année 2022 par l’URSSAF. Cette dernière les mettra à disposition des OPCO afin de les attribuer aux CFA en fonction de leur nombre d’apprentis sous contrats (dûment vérifiés) et selon les barèmes des formations, appelés « coûts-contrats » par les branches professionnelles.
Les résultats de ces changements ont permis, malgré la période de crise sanitaire, qui a impacté fortement le système de la formation professionnelle, en l’obligeant à s’adapter à ces nouvelles contraintes, d’obtenir des résultats très significatifs :
- Le cap des 500 000 apprentis qui apparaissait comme un horizon indépassable en 2018 a été franchi en 2020. En 2021 on a atteint le chiffre record de 718 000 apprentis (privé et public) soit plus de 60% de progression par rapport à 2018 (environ 450 000 apprentis).
- Le nombre d’établissements offrant des formations en apprentissage a lui aussi bondi, passant d’environ 1000 établissements à 2700 établissements aujourd’hui.
Toutefois, les publics les plus éloignés de l’emploi ne profitent pas pleinement de ces évolutions. Ce sont principalement les formations du supérieur (BTS, licence, master) qui ont progressé d’au moins 20 %. Celles des premiers niveaux de qualification (CAP, niveau 3) ont avancé moins significativement avec, tout de même, une augmentation de 7 % entre 2019 et 2020. D’autres dispositifs ont donc été mis en œuvre dans le domaine de l’apprentissage, comme le préapprentissage, qui a pour but de préparer les jeunes des premiers niveaux de qualification à entrer en apprentissage.
Le contrat de professionnalisation
Le contrat de professionnalisation (formation continue) est ouvert aux jeunes de seize à vingt-cinq ans révolus pour compléter leur formation initiale, et aux demandeurs d’emploi de vingt-six ans et plus inscrits à Pôle emploi.
La durée de la formation théorique en centre de formation doit être comprise entre 15 et 25 % de la durée totale de la formation.
Dans les évolutions, la durée du contrat peut être de trente-six mois pour les moins qualifiés, celui-ci peut s’effectuer à l’étranger, et les structures d’insertion par l’activité économique peuvent signer des contrats de professionnalisation pour l’embauche de personnes agréées par Pôle emploi.:
Le financement est calculé selon un taux horaire appliqué au nombre d’heures de formation total requis pour la certification. Il est assuré par les OPCO, qui sont les opérateurs des branches professionnelles.
La rémunération ne peut être inférieure au SMIC à partir de vingt-six ans.
En 2020, 112 742 contrats de professionnalisation ont été créés, soit 48 % de moins que l’année précédente. La tendance est clairement à la baisse en faveur du contrat d’apprentissage.
L’évolution du développement de l’alternance régie par ces deux types de contrats indique la possibilité d’une fusion, à terme, de ces deux contrats.
De nouvelles variations pour s’adapter au marché du travail
La formation en situation de travail ou AFEST trouve sa place aujourd’hui dans l’éventail de l’offre de formation. Elle nécessite la mise en place d’une ingénierie de formation spécifique avec une conception adaptée des séquences de formation pour rendre la situation de travail réellement formative.
Elle peut s’adresser à des jeunes, par exemple dans les écoles dites de production, et à des salariés, notamment dans les TPE/PME.
Les OPCO ont comme mission de promouvoir ce nouveau dispositif et de le financer selon l’intérêt qu’il représente pour les jeunes et/ou les salariés.
L’AFEST peut également avoir lieu en présentiel et en partie à distance.
Nouvelles modalités de formation
La loi avait prévu l’évolution des méthodes de formation en distanciel, entièrement en ligne, de manière hybride, en distanciel et présentiel, ou en classe virtuelle. La crise sanitaire a rendu parfois indispensables ces nouvelles modalités, ce qui a ouvert la voie à des évolutions pédagogiques incluant le mentorat et des méthodes d’évaluation reconsidérées, sous la forme de projets à élaborer et à soutenir. Qu’il s’agisse des organismes de formation, des CFA, des écoles ou des établissements d’enseignement supérieur, ces nouvelles pratiques se sont développées à l’instar d’organismes précédemment engagés dans ces méthodes et qui ont vu leur demande se développer considérablement.
La Pro A
Il s’agit d’une nouvelle modalité de formation qui vise à permettre la promotion, l’évolution en compétence et le maintien en emploi du salarié dans son entreprise par le dispositif de l’alternance. Elle doit être construite en collaboration par la société et le salarié, et peut être réclamée à l’initiative de ce dernier.
Elle s’adresse tout autant aux salariés en CDI qu’en CDD n’ayant pas atteint un niveau de licence (niveau 2) et souhaitant changer de profession et/ou profiter d’une promotion sociale (statut) ou professionnelle.
L’objectif de la Pro A (qui dure entre six et douze mois, mais qui peut être allongée à trente-six mois pour des jeunes sans qualification) est de permettre à des salariés d’atteindre un niveau de compétences et/ou de qualification supérieur ou différent par l’obtention d’une certification professionnelle, en bénéficiant d’une formation en alternance. Les certifications accessibles dans l’entreprise via ce dispositif sont définies au sein d’un accord collectif de branche étendu.
La formation théorique doit être comprise entre 15 et 25 % du temps total de la formation – pas moins de cent cinquante heures –, mais peut aussi se dérouler au-delà de 25 % pour certaines catégories de personnels.
Les frais pédagogiques et de transport sont pris en charge par les OPCO, avec la possibilité de prendre en compte les rémunérations et charges sociales dans la limite du SMIC horaire.
Les dispositifs d’accompagnement
L’entretien professionnel aménagé
Il se déroule obligatoirement tous les deux ans et débouche sur la remise d’un rapport écrit. Il doit être complété tous les six ans par un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel et doit permettre de vérifier si le salarié a suivi au moins une formation à caractère non obligatoire et des actions de formation avec une mention de la progression salariale ou professionnelle.
En cas de manquement à ce dispositif, les sociétés de plus de cinquante salariés devront verser trois mille euros au salarié sur son compte CPF.
Un accord collectif d’entreprise peut finaliser et améliorer le dispositif au-delà des obligations concernant la formation, la validation des acquis de l’expérience et la progression salariale ou professionnelle.
Le conseil en évolution professionnelle (CEP)
Il s’agit d’un dispositif d’accompagnement dont peut bénéficier tout actif pour faire le point sur sa situation professionnelle, pour établir et vérifier, si besoin, la pertinence de son projet d’évolution professionnelle, avec reprise, reconversion ou création d’activité.
Des organismes habilités assurent ces conseils, ils sont sélectionnés par appel d’offres de France Compétences avec un cahier des charges adapté.
Le contrat de travail
L’employeur est tenu de faire en sorte que le salarié s’adapte à son poste de travail et monte en compétences en fonction des évolutions des organisations et des technologies.
En cas de suppression de poste, l’employeur doit reclasser le salarié et lui proposer une formation pour qu’il puisse s’adapter à son nouvel emploi.
Conclusion
Comme nous l’avons constaté La Loi du 5 septembre 2018 représente une transformation majeure dans le domaine de la formation professionnelle avec toutes les implications qu’elle porte, dans tous les secteurs professionnels.
Tous les nouveaux dispositifs qu’elle prévoit n’ont pas encore pu révéler leur pleine dimension ; son caractère assez récent et la crise sanitaire qui a ralenti les concrétisations sur le terrain en sont les principales raisons.
Nous reviendrons dans une seconde partie sur le nouveau dispositif de certification introduit par la loi, la nouvelle gouvernance instituée ainsi que les mécanismes de financements introduits par cette loi dite « Avenir ».
Elie de Saint Jores
Consultant expert en sécurité et défense
Directeur de la Fédération Compagnonnique du Tour de France
Auditeur qualité Qualiopi (certifié AFNOR)
Maire-adjoint développement Economique Emploi
Conseiller Territorial Vallée Sud Grand Paris