Le 16 novembre 2020, le Ministère de l’Intérieur a publié un nouvel opus du Livre Blanc dédié à la sécurité intérieure. Véritable document d’orientation, le livre blanc est composé de 300 pages qui, les unes après les autres, analysent l’environnement actuel de la sécurité intérieure et proposent des pistes nouvelles pour en accroitre l’efficacité. Dans le cadre du continuum de la sécurité, les entreprises de sécurité privée s’intègrent pleinement dans la stratégie globale de sécurité de la nation. Le Livre Blanc précise néanmoins que l’association pleine et entière de la sécurité privée suppose « au préalable une montée en qualité, en fiabilité et en moralité ». Passons donc en revue les principales propositions de ce Libre Blanc.
Limitation de la sous-traitance
Le Livre Blanc porte toute son attention sur l’existence de certains prestataires qui, présents au premier rang d’un contrat de sécurité, décident de déléguer leurs missions à des sous-traitants. Le bât blesse lorsqu’ils s’abstiennent de vérifier les tâches effectuées par ces derniers. Les rédacteurs du Livre Blanc envisagent la possibilité d’une limitation stricte, voire même d’une interdiction de la sous-traitance en cascade pour les adjudicataires de la sécurité privée. La création d’un régime de responsabilisation solidaire ainsi que des sanctions à l’encontre des donneurs d’ordre négligents sont aussi évoqués.
Garantie financière
Dans une optique similaire de renforcement de la crédibilité du secteur, le Livre Blanc propose la mise en place d’une garantie financière. Celle-ci serait sur le modèle d’une caution et agirait telle une preuve de la solidité financière des entreprises. Les rédacteurs y voient également un moyen efficace de lutte contre la concurrence déloyale ainsi qu’une assurance supplémentaire au paiement des salaires des agents et des cotisations sociales. Ce type de système a fait ses preuves dans le passé pour pousser la professionnalisation de certaines professions, comme celle des agences immobilières.
Intervention sur la voie publique
Les agents de sécurité sont parfois limités dans l’exécution de leurs missions. En leur octroyant une compétence sur la voie publique, les sociétés de sécurité privée seraient en mesure de compléter leurs actions en s’intégrant mieux dans les dispositifs de sécurité globale. Les acteurs du Livre Blanc proposent le développement des interventions de la sécurité privée sur la voie publique par des moyens complémentaires humains et techniques tels que les drones. D’autre part, il est question de simplifier les procédures d’agréments notamment en supprimant celui lié à la palpation de sécurité est envisagée et en l’intégrant à la formation de base.
Recrutement
Le secteur de la sécurité privée rencontre des faiblesses récurrentes en matière de recrutement. Ce constat se traduit par des niveaux de formations insuffisants, des difficultés dans la maîtrise de la langue française, voire de travail illégal. Afin de mieux appréhender la moralité des demandeurs, le Livre Blanc propose de renforcer les contrôles du CNAPS, actuellement une fois tous les 5 ans, au moment des renouvellements de cartes professionnelles. La proposition consiste ici à confier l’examen de la probité des agents de sécurité à un service spécialisé, déjà en charge des fonctionnaires de sécurité : le SNEAS (Service National des Enquêtes Administratives de Sécurité). Il serait ainsi chargé d’effectuer des enquêtes administratives tout au long de la durée des contrats des agents.
Un des axes majeurs de la politique de recrutement envisage d’intégrer l’alternance et l’apprentissage au sein des centres de formation. Dans une optique d’interconnexion des liens entre les forces régaliennes et la sécurité privée, les rédacteurs souhaitent également la présence de policiers ou de gendarmes dans les formations. Cela participerait, selon eux, d’un accompagnement « à forte valeur ajoutée ». Leur mise à disposition est envisagée tout d’abord à l’appui des formations de formateurs ainsi que des cadres intermédiaires « aujourd’hui manquant dans la sécurité privée » selon l’aveu même des rédacteurs.
Formation
Le constat établi au regard des centres de formations est assez sévère. En effet, le Livre Blanc dresse le constat d’une grande disparité dans la qualité des formations délivré par les centres de formation spécialisés. Il estime qu’il convient de poursuivre l’assainissement du secteur par une augmentation des contrôles de ces centres ainsi que de leurs formateurs. La partie examen pourrait également être revue par la participation d’acteurs véritablement indépendants des organismes de formation. Il indique également que les conditions d’entrée en formation et d’aptitudes professionnelles doivent être renforcées, notamment dans les domaines sensibles. Ainsi, la grande nouveauté serait de conditionner l’entrée en formation à la justification d’une promesse d’embauche sur les sites sensibles.
Uniforme
Renforcer le sentiment d’appartenance, développer l’attractivité du secteur de la sécurité privée, revaloriser la profession dans l’opinion publique, tels sont les grands objectifs que se sont fixés les rédacteurs pour la sécurité privée. L’une des premières mesures allant en ce sens serait d’instaurer un uniforme de sécurité privée commun incluant un numéro d’identification lié à la carte professionnelle sécurisée.
Technologie
Notre société actuelle développe de façon exponentielle de nouvelles technologies. C’est pour cela que les entreprises de sécurité privée suivent de près l’avancement de ces dernières. Afin de renforcer l’efficacité et bonifier la protection des professionnels de la sécurité privée, certaines technologies telles que les caméras-piétons sont envisagées.
Protection juridique des agents
Les rédacteurs prennent conscience de l’ampleur que prend la sécurité privée dans le continuum. Pour ce faire, ils envisagent un renforcement de leur protection juridique.
Cette amplification se traduirait par la mise en place d’un dispositif efficace pour lutter et sanctionner les agressions physiques comme verbales à l’encontre des agents de sécurité.
Consolidation du périmètre de la sécurité privée
Au sein du continuum, les métiers connexes tels que les services de sécurité incendie et d’assistance à personnes (SSIAP), les installateurs de dispositifs de sécurité, les entreprises de cybersécurité, mais aussi les entreprises de conseil en sécurité/ sûreté n’ont à ce jour pas de contrôles de la part du CNAPS. La proposition vise à les insérer dans le livre VI du code de la sécurité intérieure.
Conclusion :
Un horizon nouveau se profile pour le secteur de la sécurité privée, notamment avec l’évènement sportif tant attendu des jeux olympiques et paralympiques de Paris de 2024. La nécessité d’associer la sécurité privée à leur préparation puis leur déroulement, de matérialiser en actes le concept de « continuum de la sécurité » est une réelle plus-value pour le secteur. En attendant la conversion des propositions du livre blanc en une véritable loi effective, et si vous aimez la lecture, nous vous invitons à vous pencher sur la partie dédiée à la sécurité privée qui se trouve de la page 144 à la page 160 du Livre Blanc.