Le sujet juridique du trimestre est consacré à la possibilité ou non pour un agent de sécurité d’effectuer une prise de température à fins de contrôle d’accès.
Notre analyse se base, en plus du corpus juridique habituel, sur les conseils d’un cabinet d’avocats spécialisés que nous avons spécifiquement sollicités sur ce sujet
I. Comme souvent en droit plusieurs mesures s’appliquent.
L’article L1121-1 du Code du travail indique que toutes restrictions apportées aux droits et libertés des personnes doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché.
La volonté de maîtriser la pandémie pourrait entrer dans ce critère qui permettrait à un employeur, par le biais du Règlement Intérieur et des consignes (art L1321-1 et -5 C.trav) de prendre des mesures visant à protéger la santé et à la sécurité de son personnel par la prise de température.
Cependant, aucun texte ne l’affirme clairement ce qui laisse inévitablement la place à une action en justice des salariés pour atteinte discriminatoire en raison de l’état de santé si vous leur refusez l’accès. (L1131-2 C.trav / 225-1 C.pénal)
Ce risque de poursuites est d’autant plus sérieux que l’état actuel des connaissances scientifiques sur la maladie laisse à penser qu’une température élevée n’est pas un critère fiable de présence de la maladie chez un sujet, comme l’a rappelé le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) dans un avis du 28 avril.
II. Sur le fait de confier cette mission à un agent de sécurité, le Code de sécurité intérieure ne le prévoit pas, mais ne l’interdit pas non plus.
Profitant de ce flou le GES, syndicat patronal des entreprises de sécurité, a pris position sous le titre évocateur de « Non mais oui », formule d’équilibriste ne les empêchant pas de conclure que la prise de température entre « logiquement et légitimement » dans la mission d’un agent.
Ce point de vue est particulièrement discutable tant les arguments invoqués se contentent de dire que tout ce qui n’est pas interdit est de facto autorisé, au mépris de toute interrogation éthique, et qu’après tout d’autres pays européens le font alors pourquoi pas nous…
Précisons tout de même que cet avis s’oppose directement aux recommandations du HCSP mais également du Ministère du Travail dans son Plan de déconfinement du 9 mai 2020.
Par conséquent, compte tenu des risques de poursuites judiciaires et du faux sentiment de sécurité qu’il crée compte tenu des symptômes réels de la maladie, nous vous déconseillons de la mettre en place.
Si malgré tout, vous estimez qu’il est indispensable de subordonner l’accès à votre site à une prise de température préalable voici nos principales recommandations pour en limiter les risques.
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Modifiez votre Règlement Intérieur et faites une consigne claire, affichée à la vue de tous. Informez en votre Conseil Social et Économique. Précisez que ce contrôle se fait sur la base du volontariat.
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Adaptez votre zone de contrôle d’accès de manière à respecter les gestes barrières et la distanciation sociale. Prévoyez un local de confinement en cas de détection de température élevée. Déterminez qui sera chargé de la décision du refus d’accès. (Direction, membre HSE, médecin du travail, expressément désignés)
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Confiez la mission de vérification de la prise de température à du personnel d’accueil et non à du personnel de sécurité.
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Les personnes accédant au site prennent eux-mêmes leur température. Il ne doit y avoir aucun enregistrement des températures constatées afin de respecter les règles liées à la protection des données.
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En cas de refus du contrôle, si l’employeur décide de refuser l’accès, payez la journée de travail du salarié.
Nous espérons par cette analyse et en toute humilité avoir pu éclairer votre vision sur ce sujet.
Le Rapport intégral de notre cabinet d’avocats est à disposition si besoin. Faites vos demandes à : stephanie.chapellier@groupesgp.fr