1833 voit la naissance de la toute première société privée de sécurité dans le monde, « le Bureau de renseignements pour le commerce ». A l’origine de sa création, un homme à l’histoire extraordinaire : Eugène-François Vidocq.
Une vie d’aventures et de délinquance
Né à Arras en 1775, ce fils de boulanger commet divers larcins au cours de son enfance. A 16 ans, il quitte Arras après avoir volé ses parents et s’engage dans l’armée révolutionnaire. A 18 ans, il en est renvoyé pour avoir déserté. Il poursuit dès lors une vie intrépide comme escroc.
Condamné en 1795 à 3 mois de prison à Lille pour s’être battu avec un officier amant de sa maîtresse, Vidocq fait la connaissance de Boitel, un agriculteur condamné à 6 ans pour vol. Il l’aide à s’échapper en lui procurant de faux papiers. Rattrapé, Boitel dénoncera Vidocq qui sera inculpé. Il s’évadera et sera repris à de nombreuses reprises. A 21 ans, le tribunal de Douai le condamne à 8 ans de travaux forcés au bagne de Brest pour usage de faux dans cette affaire.
Durant le voyage, Vidocq tente à plusieurs reprises de fausser compagnie aux gardiens. Sans succès, il entre au bagne. Huit jours après son arrivée, il s’en évade sous l’identité du matelot « Duval », à l’aide de vêtements subtilisés. A 24 ans, il est une nouvelle fois arrêté, et envoyé cette fois au bagne de Toulon, d’où il s’évade l’année suivante. Il gagne alors en notoriété auprès des gens du milieu. A 27 ans, sous l’identité nouvelle de « Blondel », il monte divers commerces à Paris. A 30 ans, il est arrêté et transféré à Douai, et réussit une fois encore à s’évader. L’aventurier poursuit de nouvelles affaires commerciales sur les routes avant une nouvelle arrestation en 1809. Vidocq se décide alors à proposer ses services à la police de Paris pour détecter les malfrats emprisonnés sous des identités factices. Sur décision du préfet, il devient officieusement le chef de la « brigade de sûreté » en 1811 (l’officialisation a lieu après sa grâce octroyée par Louis XVIII en 1818). Composée d’anciens condamnés, la brigade s’infiltre dans le milieu carcéral. Excellent physionomiste et professionnel du camouflage, Vidocq commence son travail d’indicateur et détecte aisément les personnes grimées. Entre 1811 et 1827, Vidocq et ses hommes assureraient trois fois plus d’arrestations que les policiers classiques. Des exploits qui vaudront à Vidocq aussi bien des admirateurs que des ennemis parmi lesquels des malfrats capturés, mais aussi des personnes au pouvoir, qui le pousseront à démissionner de ses fonctions de chef de la Sûreté en 1827.
Vidocq, fondateur de la première société de sécurité privée
Il décide par la suite de créer une manufacture de papier où il y invente le papier infalsifiable. Mais l’entreprise fait faillite et Vidocq reprend son poste de chef de la Sûreté en 1832, avant de fonder en 1833, à l’âge de 58 ans, le « Bureau de renseignements pour le commerce » la toute première agence de détectives privés. Sous contrepartie financière, le Bureau procure aux commerçants des services de renseignement et de surveillance économique, mais aussi des informations sur l’infidélité du conjoint. Cette société entraîne, au cours du XIXe siècle, la création de plus de 500 sociétés de ce genre dans le pays. Cependant, nombre de ces entreprises pratiquent des activités illicites, larcins et pressions sur les commerçants, et viennent ternir l’image de cette activité en essor.
Il faut attendre la fin du XIXe siècle et la création de polices internes des entreprises et notamment des grands magasins et industries, pour observer une meilleure structuration de l’activité. Tout au long de la Troisième République (1870-1940), ces polices privées joueront un rôle assez important dans la lutte que peuvent se livrer patronat et syndicats, en effectuant notamment des infiltrations, enquêtes, attaques physiques contre les piquets de grève.