SCÉNARIOS…

Une prospective par Florian Pette

SCÉNARIOS

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Panorama des Atlas de la sécurité

Nos armées utilisent des écrivains et les fims de science-fiction pour imaginer des scénarios. Pourquoi le dirigeant, ne pourrait-il pas imaginer ceux-ci pour son propre marché ?

Le fameux almanach des sports, bien utile pour le voyage temporel (référence illustre d’un film bien connu !), pourrait bien être pour nous l’Atlas de la Sécurité[1] et son rédacteur en chef Patrick Haas ! Peut-on réussir à imaginer les tendances de 2054, les signaux faibles, les scénarios qui se dessinent, les crises qui nous guettent, le futur de la sécurité privée, en étudiant cette illustre revue ? Et tout ceci à l’aube des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 ?

 

Le questionnement, la rédaction n’est jamais simple, quel que soit le sujet. Toujours est-il que je me suis laissé porter à écrire, à rechercher, à comparer, à lire et à imaginer d’ici 30 ans le paysage de notre marché…

 

De 180000 à 650000?

350 % : c’est, en pourcentage, l’augmentation des effectifs de sécurité privée sur les 30 dernières années. Peut-on imaginer 650 000 hommes et femmes en sécurité privée en France en 2054 ? Est-ce utopiste ?

 

À titre de comparaison, le marché de l’intérim culmine à 750 000 salariés[2] et celui du nettoyage s’élève à 440 000 salariés[3]. Mais 650 000 personnes pour les entreprises de notre secteur, cela veut dire quoi ? Si nous calculions les augmentations d’effectifs et de chiffres d’affaires du « top 15 » du classement, nous aurions alors les chiffres suivants :

 

  • Le numéro 1 serait une entreprise de plus de 63 000 salariés pour 2,583 milliards de chiffre d’affaires ;
  • Le numéro 2 serait une entreprise de plus de 52 500 salariés pour 2,152 milliards de chiffre d’affaires ;
  • Le numéro 3 serait une entreprise de plus de 31 700 salariés pour 1,299 milliards de chiffre d’affaires ;
  • Le numéro 4 et le numéro 10 se situeraient entre 18 000 salariés et 7 000 salariés.

 

Notons que le numéro 6 de 2054 aurait finalement la taille du numéro 1 de 2024. Le numéro 4 d’aujourd’hui serait, lui, très loin du top 10 et n’entrerait même pas dans le top 15. Les structures que nous trouvons déjà « trop grosses » aujourd’hui deviendraient alors « complètement obèses »…

La prospective est-elle bonne ? Comment se représenter de tels mastodontes ? L’État et notamment le CNAPS imaginent-ils un seul instant le nombre de contrôles, d’organisation, que cela induirait ?

Le continuum de sécurité[4] amorcé il y a déjà quelques années ne doit pas être juste un mot qui sonne bien, il se doit d’être engagé, managé et décuplé.

 

 

LES AUTRES ACTIVITÉS EN SÉCURITÉ : QUELLE ÉVOLUTION?

Nous avons extrapolé la surveillance humaine, mais comparons aussi quelques autres branches de nos métiers :

 

  • Installations d’alarmes

En 1994, le numéro 1 culminait à 460 millions[5]… mais de francs, soit 70 millions d’euros de CA. Le numéro 2 était à 44 millions d’euros et le numéro 3 à 36 millions. Comparativement, 30 ans plus tard, les CA respectifs sont de 138, 126 et 90 millions d’euros[6]. Soit une progression en 30 ans de 250 %.

  • Interventions sur alarmes

En 1994, le CA de l’activité culminait à 341 millions de francs, soit 52 millions d’euros. En 2024, le chiffre d’affaires atteint 290 millions d’euros[7], soit une augmentation de 450 %.

 

  • Formation en sécurité privée

Nul besoin de regarder ou de comparer les chiffres pour voir l’évolution du secteur. Avant 2009, aucune heure de formation n’était requise pour être agent de sécurité. À date, ce sont 182 heures[8] qui sont nécessaires pour devenir agent. À cela s’ajoutent bien entendu d’autres formations qualifiantes.

 

Si nous voulions néanmoins traduire cela en chiffres, la formation dans la sécurité privée a augmenté de 350 % entre 2009 et 2024. Aura-t-on 644 heures de formation pour un agent de sécurité privée en 2039 ? Nous devrons former mieux et être plus exigeants si nous souhaitons avoir des profils expérimentés. En comparaison, un agent de sûreté de la SUGE bénéficie d’un parcours de 8 mois de formation[9]. Nous pouvons aussi noter que son salaire est situé entre 2 400 et 2 600 euros brut par mois, soit 35 % de plus que le secteur de la sécurité privée. S’en inspirer ne serait que bénéfique.

 

  • Agents de protection rapprochée

1997 : 407 agents, 2020 : 905 agents de protection rapprochée. 120 %, c’est une petite hausse en 17 ans. Mais c’est une hausse tout de même.

L’activité de protection rapprochée a peiné lors du Covid-19 et le secteur a eu du mal à reprendre sa taille initiale. Les JOP, les enjeux, les réseaux, le monde de l’image et de la vidéo vont faire croître ce secteur, malgré tout encore « à part » dans le milieu de la sécurité.

 

  • Télésurveillance

+6 %, c’est le taux de croissance du secteur sur les dernières années. Un chiffre à mettre en comparaison des 10 % qui étaient les taux annuels que nous avions dans les années 1990 à 2020. C’est un marché qui s’est massifié ces dernières années avec des acteurs majeurs en France. C’est bien simple, en 30 ans, le marché a progressé de plus de 500 %[10].

 

 

LES FORCES PUBLIQUES, LE RÉGALIEN : QUELLES ONT ÉTÉ LEUR ÉVOLUTION?

 

Autant nous pouvons nous targuer d’une évolution conséquente dans le secteur de la sécurité privée, autant vis-à-vis des forces régaliennes les courbes n’ont pas suivi la même évolution.

 

Après des recherches sur l’Insee, le Sénat, sur les sites de la police nationale, police municipale, de la gendarmerie, du ministère de la Défense, du ministère de l’Intérieur, Statista, BFM, Wikipedia et j’en passe[11], nous pouvons présenter les chiffres suivants :

 

  • Gendarmerie : en 2002, 98 000 gendarmes, en 2012, 95 000 gendarmes et en 2022, 98 000 gendarmes ;
  • Police nationale : en 2002, 150 000 agents, en 2012, 143 000 agents et en 2022, 155 000 agents ;
  • Police municipale : en 1984, 5641 agents, en 2019, 23 934 agents ;
  • Militaires : en 2004, 251 000 militaires, en 2012, 215 000 militaires et en 2022, 205 000 militaires.

Comme je m’y attendais, les forces de sécurité publiques n’ont pas augmenté leurs effectifs et certaines missions qui leur appartenaient ont été privatisées.

 

Pour autant, de mon souvenir « d’enfant de flic », il se disait déjà un manque criant de moyens. Aujourd’hui, avec ce que nous avons connu et ce que nous connaissons, ne devrait-on pas pourtant augmenter les effectifs et sécuriser plus nos villes, nos régions, notre France ?

 

 

ÉCONOMIQUEMENT, LE SECTEUR SE PORTE-T-IL MIEUX?

 

Croissance et rentabilité ne vont pas forcément de paire et lorsque nous regardons l’enquête réalisée par le GES[12], celle-ci nous donne plusieurs indications importantes :

 

  • un nombre d’entreprises beaucoup trop élevé ;
  • une régression des sociétés « bénéficiaires » ;
  • une augmentation des sociétés en faillite ;
  • un taux de création trop important ;
  • une très mauvaise place au classement européen sur la concentration du secteur et la taille des entreprises.

La France se place ainsi au 29e rang européen[13]. Le nombre de salariés par entreprise en France est de 15 salariés, alors qu’en Pologne, un marché globalement comparable au nôtre, il est de 59 salariés, ce qui traduit une stabilité et une maturité bien plus importantes.

 

Lorsque nous observons les études de l’Insee, lorsque nous analysons des entreprises de notre secteur via des outils tels que EURL HERMES, CREDITSAFE, COFACE, les notations Banque de France, force est de constater que les entreprises du secteur n’ont pas de bons résultats.

Non, notre secteur ne se porte pas mieux depuis les 30 dernières années. L’État doit écouter les préconisations proposées[14].

 

Un homme disait : « C’est celui qui fait qui sait. » Si les politiciens avaient cette maxime en tête, je pense que nous y gagnerions tous.

 

CE QUE DISENT LES EXPERTS…

Alain Bauer et Alain Juillet donnaient une interview dans l’Atlas de la sécurité en 2021. « Riches », c’est le terme que j’utiliserais pour qualifier les enseignements que nous pouvons en extraire.

 

De l’interview d’Alain Bauer, je retiens les réflexions suivantes :

 

  • un mépris de la sécurité privée par l’État ;
  • une évolution importante du secteur sur les 10 dernières années ;
  • l’absence d’améliorations sensibles sur les situations économiques et sociales ;
  • le faible niveau de formation et de rémunération de la profession ;
  • l’importance de ne pas dériver vers de la privatisation à outrance (intervention sur la voie publique, gestion du transport et de la surveillance de prisonniers…)
  • un juste équilibre à trouver avec un État qui devrait être aussi pointilleux pour lui-même qu’il l’est avec la sécurité privée[15] ;
  • la nécessaire préparation de la profession à de nouveaux risques (cyber, drones, détection d’explosifs…) ;
  • un effort indispensable de formation, de réduction du turnover, d’amélioration des conditions de travail et de salaire.

 

Enfin, et pour conclure, « un secteur public renforcé et revitalisé avec un secteur privé reconnu et respecté ».

 

Alain Juillet, dressait, lui, les constats suivants :

 

  • L’insécurité grandissante suite aux confinements ;
  • une justice jugée trop laxiste couplée à une surmédiatisation du moindre incident qui a provoqué un sentiment d’insécurité exacerbé ;
  • une sécurisation insuffisante des serveurs et des clouds ;
  • la nécessité de suivre les recommandations du rapport Fauvergue-Thourot ;
  • la nécessité d’établir une doctrine sur le rôle de la sécurité privée ;
  • le transfert de certaines missions moins importantes aux polices municipales et à la sécurité privée ;
  • une collaboration étroite entre les ministères de l’Intérieur, du Travail et les représentants de la sécurité privée pour un pacte social plus performant ;
  • la recherche de solutions pour que les marges des sociétés de sécurité privée soient au même niveau que dans les principaux pays d’Europe ;
  • l’échec du point précédent qui entraînerait l’arrivée de grands groupes européens ou mondiaux, pénétrant le marché français grâce aux marges acquises ailleurs.

 

Trois ans plus tard, ces nombreux enseignements n’ont pas perdu de leur pertinence…

 

DE LA NÉCESSITÉ D’AVOIR DES SOCLES SOLIDES

Les projections, même très prudentes (2 % de croissance), nous emmènent sur un marché important et des structures qui auront doublé de taille à l’horizon de 2054.

 

Si nous ne réformons pas, si nous n’anticipons pas le futur de notre profession, alors nous le subirons. Il est donc de notre devoir de construire et ne pas être frileux à investir, à aller de l’avant. Public et privé ont nécessité à travailler main dans la main, pour que nous obtenions un résultat harmonieux.

 

En ce qui concerne les organisations, les structures, celles-ci se devront d’être agiles, pour sûr, mais elles devront aussi se doter de socles solides. Pour SGP, voici, les trois piliers sur lesquels nous comptons nous appuyer :

 

  • une culture d’entreprise différenciante basée sur un pacte social « mieux-disant », un management motivant et décentralisé ;

 

  • une stratégie de spécialisation (industrie, tertiaire, logistique, défense, sites à hauts risques) basée sur une recherche d’excellence (être la société de sécurité la plus certifiée de France) et des centres de formation en interne ;

 

  • une vision métier à long terme ambitieuse basée sur des fondamentaux ancrés et revus chaque année, une sécurité mobile et de la sécurité rapprochée partout en France s’appuyant sur une intégration des évolutions technologiques comme l’hypervision, les drones et les robots.

 

 

 

 

SCÉNARIOS OU PROJECTIONS?

Si j’ai opté pour le voyage dans le temps pour illustrer mon propos, je suis encore loin de l’écrivain de science-fiction imaginant divers scénarios apocalyptiques. Pourtant sommes-nous si loin de :

 

  • celui de la crise environnementale où nous verrions la sécurité privée gérer des crises migratoires importantes vers des pays européens ?
  • celui d’une IA qui dicterait aux pouvoirs publics et aux entreprises « quoi faire », réduisant ainsi le bon sens à une simple vue de l’esprit ?
  • celui d’une insécurité grandissante, d’un ultime fait divers atroce qui propulserait les extrêmes au pouvoir ?
  • voire celui d’un monde moins hostile, plus apaisé et où nous serions presque naturellement en sécurité, limitant dès lors la croissance de nos métiers ?

 

Imaginer, anticiper, se préparer, réfléchir…

 

C’est in fine ce que j’ai souhaité faire dans ce court récit.

Terminons ce cheminement par un remerciement à Patrick Haas, alias notre « Doc », merci pour ces précieux « almanachs » !

 


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