La sécurité privée est en pleine mutation. Si son degré d’implication dans la vie publique est au centre des intentions, elle pourrait connaître d’autres transformations majeures comme dans le secteur de la grande distribution. Bouleversée de toute part, elle devrait avoir dans un avenir proche un visage différent. Des changements qui vont redéfinir les traits de la lutte contre la démarque inconnue.

Des changements en profondeur

Adoptée en 2008, la Loi de la Modernisation Économique (LME) instaure « la liberté de négociation des prix entre les centrales d’achat des grandes surfaces et leurs fournisseurs« . L’établissement de ce texte fut le déclenchement d’une guerre des prix acharnée entre acteurs historiques de la grande distribution. Toujours à la recherche de la moindre économie pour attirer le chaland, les enseignes se heurtent à des obstacles de plus en plus nombreux et contraignants. Elles ont notamment pu observer une évolution des besoins du consommateur. Ce dernier, en plus d’une économie monétaire, recherche un gain de temps. Un comportement qui est aux antipodes de l’ADN des Hypermarchés. Véritable étendard de la distribution française à travers le monde, ils sont aujourd’hui menacés et voués à évoluer. La création des drives au début de la décennie semble ne plus suffire pour séduire le prospect. Carrefour et Auchan souhaitent par exemple, s’inspirer des centres commerciaux en devenant de véritables lieux de vie, proposant des animations comme des cours de cuisine, spectacles de danse, etc..  Les enseignes se sont également dirigées vers les centres-villes, afin de (re)nouer un lien de proximité avec sa clientèle.

L’évolution des formats de distribution est également due à l’accroissement de la concurrence, notamment des « hard discounter ». Ces dernières années, des enseignes comme Action ou récemment Cost Cow se sont implantées sur le territoire français. Des nouveaux acteurs qui vont (encore) durcir la « guerre des prix ».  En dehors de nos frontières1, des géants du numérique investissent dans des enseignes physiques. Ainsi, on a vu récemment Google lier un partenariat avec Wallmart, Amazon acquérir Wholes Food pour 13 milliards d’euros et Alibaba racheter des entreprises de distribution en Asie. Le CEO de ce dernier, Daniel Zhang, annonça lors de la VivaTech 2017 que « les supermarchés que l’on connait aujourd’hui seront différents demain ». L’intérêt des géants du Web pourrait révolutionner la grande distribution. En dehors de moyens financiers colossaux, ils possèdent un atout capital : le traitement et l’utilisation de la data. Pour illustrer ces propos, fin 2016, Amazon annonça tester un magasin sans caisse, dont l’utilisation des données est au cœur de son fonctionnement. Un concept repris par des acteurs traditionnels de la distribution, comme Monoprix en France.

Préparer l’avenir de la démarque inconnue maintenant

La simplification du processus d’achat et la recherche constante du gain de temps, symbole d’une société en pleine ubérisation, aura donc pour conséquence une redéfinition des modes de distribution, mais également de la lutte contre la démarque inconnue (DI). L’autonomie laissée aux consommateurs additionnée à la hausse du coût de la vie, provoquent un accroissement des incivilités en magasin.  D’après le baromètre du vol dans le commerce et la grande distribution sur la période 2014-2015 réalisé par Checkpoint, le coût total du vol/ de la criminalité2 s’élève à 8,5 milliards d’euros. Une perte non négociable en pleine guerre des prix.

Des efforts ont été consentis par les enseignes pour lutter contre la démarque inconnue, et les résultats s’en font ressentir. Durant la période étudiée, elle s’élevait à 0,81% du chiffre d’affaires total du secteur contre 1,09% en 2013-2014. Les distributeurs français investissent plus que la moyenne européenne et mondiale dans la prévention des pertes (1,36% du CA total du secteur en France contre respectivement 1,07% et 1,19%). Les enseignes récoltent aujourd’hui le fruit de leurs années de travail.  La synergie entre les agents de sécurité, la mise en place de caméras de surveillance et autres solutions préventives (exemple : cerclages autour des produits, étiquette RFID) a permis de limiter le coût de la DI. D’autant plus que les fabricants s’impliquent de plus en plus dans cette cause et proposent des produits déjà équipés d’antivol.

L’enjeu actuel des services de sécurité des enseignes de grande distribution est de prévoir le futur de la lutte contre la démarque inconnue, en identifiant les problèmes envisageables, que ce soit dans les magasins ou entrepôts. Dans certains cas, il sera simplement question d’adapter les effectifs en fonction des besoins naissants. Par exemple, le profil d’un agent de sécurité et les missions qui lui seront confiées seront différents entre un hypermarché et une supérette. De l’achat du service à la définition des missions, certains points vont devoir être redéfinis afin d’optimiser la prestation. D’autres situations seront totalement inédites. L’utilisation amplifiée des nouvelles technologies entraînera une dépendance à ces dernières. Comment s’assurer que le système de reconnaissance d’Amazon dans son supermarché sans caisse est fonctionnel, et que faire s’il ne l’est pas (par exemple dans le cas d’une cyber attaque)  ? Des questions nouvelles qui devront être traitées en partenariat avec les entreprises de sécurité privée, afin de bénéficier de leurs expertises. Formation et prévention seront une nouvelle fois mises sur le devant de la scène.

1 Amazon a approché des enseignes françaises en 2017, mais sans suite
http://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/distribution/grande-distribution-quand-amazon-cherche-a-faire-ses-courses-en-france-752696.html

Le « coût de la criminalité / du vol » prend en compte le coût supporté par les distributeurs dû à la démarque provenant du vol à l’étalage, du vol interne, de la fraude fournisseurs, ainsi que les dépenses en solution de prévention des pertes.