La protection d’une centrale nucléaire n’a rien de commun avec celle d’un site industriel classique. Ici les enjeux sont immenses : risque terroriste, menace NRBC (nucléaire, radiologique, biologique, chimique), intrusions… L’Histoire nous a montré, avec Three Mile Island, Tchernobyl ou Fukushima, qu’un accident nucléaire peut marquer des générations entières et contaminer des territoires bien au-delà des frontières.
En France, plusieurs piliers sont essentiels pour assurer la sécurité et la sûreté des centrales. Chaque acteur y joue un rôle précis, mais tous travaillent en synergie pour garantir la préservation et la défense de ces sites. Bienvenue dans le monde de la protection nucléaire, où la moindre faille peut se payer au prix fort.
Des agents de sécurité nucléaire
Comme l’affirme notre gouvernement, la France est le pays le plus nucléarisé du monde[1], en proportion de sa population. Avec 57 réacteurs répartis sur 19 sites, l’énergie nucléaire de notre pays représente 67% de notre production primaire, selon le bilan énergétique de 2023 publié début 2025[2].
En plus d’être un poids stratégique conséquent, de tels chiffres impliquent des responsabilités immenses en matière de sécurité et de sûreté.
Prévenir toute intrusion, assurer une protection contre les menaces terroristes, garantir des protocoles de sûreté irréprochables pour éviter tout risque humain, environnemental ou économique…
Chaque site nucléaire en France devient ainsi un élément central de la défense nationale, où la vigilance doit être constante et la technologie, de pointe. La sécurité d’une centrale repose alors sur une organisation stricte, où plusieurs acteurs principaux se partagent cette mission.
Pour commencer, il existe dans la grille des métiers repères de la sécurité privée une filière dédiée aux agents de sécurité nucléaire. Sur le plan formatif, il s’avère que seul le TFP APS est nécessaire.
Cette formation devra néanmoins être complétée par une formation commune à toute personne souhaitant travailler dans un site nucléaire. Celles-ci préparent aux exigences spécifiques d’un environnement nucléaire et délivre les bases et bonnes pratiques en matière de radioprotection[3].
Concrètement les agents de sécurité assurent :
- Le filtrage et le contrôle des accès : vérification d’identité, inspection de véhicules et des biens entrants.
- La surveillance technique et humaine des périmètres sensibles grâce à des systèmes de vidéosurveillance et des rondes régulières.
- La gestion des alarmes et la coordination avec les forces de l’ordre et les équipes internes de sûreté.
- La prévention des actes de malveillance
- La sensibilisation du personnel aux consignes de sécurité et aux protocoles spécifiques au secteur nucléaire.
- La détection cynophile d’explosifs
De par la nature même du lieu, ce type de poste requiert une vigilance constante et une grande rigueur, où l’inattention ou la négligence peuvent entraîner de graves conséquences.
PSPG et COSSEN : la gendarmerie au cœur de la sécurité nucléaire
Dans un deuxième temps, ce sont des Pelotons spécialisés de protection de la gendarmerie (PSPG)[4] qui interviennent en cas de réelle menace, explique le ministère de l’Intérieur. Ces gendarmes d’élite, formés par le GIGN, sont implantés dans l’ensemble des centrales nucléaires du territoire pour assurer leur sécurité. Plus concrètement, leur but est très précis, à savoir « interdire toute action de haute intensité susceptible d’affecter la sûreté des installations nucléaires. »
Spécialistes dans le domaine de l’intervention, les membres du PSPG s’imposent un degré d’exigences particulièrement élevé. Ils maintiennent une surveillance continue des centrales en se postant à des endroits stratégiques ou sensibles. Ils sont préparés aux interventions à haut risque et comptent dans leurs rangs des tireurs d’élite. Ils agiront également pour interpeller les individus non autorisés qui s’introduiraient de façon illégale sur ces sites.
Précisons également que cette protection des sites nucléaires ne repose pas uniquement sur les unités de terrain. Le CoSSeN (Commandement spécialisé pour la sécurité nucléaire)[5] agit ainsi à un niveau plus stratégique. Créé en 2016, il a pour mission de coordonner, superviser et contrôler l’ensemble du dispositif de sûreté nucléaire en France.
Concrètement, il harmonise les pratiques de sécurité, « participe à l’assistance-conseil aux préfectures, la planification de défense, les enquêtes administratives, l’analyse des risques spécifiques… » explique le ministère de l’Intérieur. Le CoSSeN représente en quelque sorte le cerveau, garantissant la cohérence, la réactivité et l’efficacité de tout le dispositif à l’échelle du pays.
ASNR et EDF : un système de protection multicouches
Enfin, au‑delà des forces de terrain et du commandement stratégique, la sûreté nucléaire repose également sur des contrôles réglementaires stricts et des infrastructures de pointe. La nouvelle Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection [6](ASNR), issue de la fusion de l’ASN et de l’IRSN depuis janvier 2025, veille à ce que chaque centrale respecte des normes extrêmement exigeantes en matière de sécurité, de radioprotection et de protection environnementale.
Effectuant près de 450 contrôles par an, l’ASNR impose toutes les mesures nécessaires et assure un suivi permanent des pratiques de sûreté. Par ailleurs, EDF précise « qu’elle est la seule habilitée à autoriser la mise en service ou la poursuite de l’exploitation d’une centrale nucléaire en France. »
Et pour garantir des infrastructures toujours plus qualitatives, le fournisseur d’énergie français explique également que toutes les dispositions « sont prises en compte dès la conception de l’installation » d’une centrale nucléaire, et quelles sont « intégrées lors de sa construction, renforcées et toujours améliorées pendant son exploitation. »
Les sites nucléaires s’appuient sur de nombreux personnels chargés de leur défense et disposent d’une véritable doctrine dénommée la défense en profondeur qui consiste à multiplier les niveaux de protection, pour limiter les conséquences de défaillances techniques, humaines et organisationnelles.
Si le risque zéro n’existe pas, tout semble pourtant mis en œuvre pour assurer un niveau de sécurité élevé et permettre la poursuite d’un pan central de notre production quotidienne d’électricité. Un challenge sans cesse renouvelé pour l’ensemble des personnels de sécurité.
[1] https://www.vie-publique.fr/eclairage/272644-surete-nucleaire-prevention-et-gestion-des-risques
[2] https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/bilan-energetique-de-la-france-en-2023-synthese
[3] https://www.francetravail.fr/actualites/le-dossier/industrie/nucleaire/nucleaire–les-conditions-dacces.html
[4] https://www.gendarmerie.interieur.gouv.fr/notre-institution/notre-organisation/les-pelotons-specialises-de-protection-de-la-gendarmerie-pspg
[5] https://www.gendarmerie.interieur.gouv.fr/gendinfo/l-info-en-continu/le-cossen-fete-ses-deux-ans-le-point-sur-un-service-a-competence-nationale
[6] https://www.asnr.fr/